Caedes
Commenter l'article

Victor Mouflard, 1851 - Le cocu du village

Caedes > Criminels > Victor Mouflard

Victor Mouflard

En résumé
  • Année: 1851
  • Commune: Lesges
  • Département: Aisne
  • Arme: À mains nues
  • Sexe: Homme

Nous sommes en mars 1851 à Lesges, village de deux cents habitants dans l'Aisne où réside Victor Mouflard. Marié et père de deux enfants, Victor Mouflard est un manoeuvrier de 31 ans en pleine descente aux enfers.

Quatre ans plus tôt, lorsque sa femme tombe enceinte de leur fils cadet, tout le village perce à jour que le père est en réalité un amant, faisant alors de lui le cocu du village.

  • Ta femme est enceinte et ce n'est pas de toi ! Lui dit-on.
  • Je le sais bien, vous n'avez pas besoin de me le dire…

Sans cesse accablé depuis par les railleries des uns et la pitié des autres, le pauvre homme se réfugie volontiers dans l'alcool, s'enivrant parfois jusqu'à libérer son alter ego, un homme agressif né de son mal-être que les gendarmes connaissent bien.

L'enfant a aujourd'hui trois ans et Victor Mouflard le hait viscéralement.

  • Je serais moins malheureux si je n'avais que mon aîné.

Tout est dit...

Crime de Victor Mouflard

victor-mouflard-crime.jpeg

Le dimanche 23 mars, vers dix-sept heures, madame Mouflard quitte la maison avec les enfants. Elle dépose son fils cadet chez la voisine, madame Legrand, puis s'en va avec l'aîné.

Au même moment, Victor Mouflard chemine en direction de la maison après une partie de cartes au cabaret, dont il ne sort pas ivre mais après tout de même quelques chopines. De retour avant sa femme, n'ayant pas sa clé, il ne peut rentrer. Agacé, il se rend chez madame Legrand, empoigne l'enfant qui fond en larmes et annonce qu'ils vont se promener, pendant que Madame Legrand lui offre en vain de le garder jusqu'au retour de sa mère.

Madame Legrand et une autre voisine, madame Oberon, le voient ensuite se glisser dans sa maison à travers une lucarne.

Madame Mouflard est de retour vers dix-huit heures. L'heure du repas approchant, elle s'attelle en cuisine. Lorsqu'elle demande à son mari de lui donner son couteau, sa réponse la laisse pantoise: "Tu n'en as pas besoin, ta vie est faite, la mienne aussi.". Elle se tourne vers lui et constate que son visage est couvert de sang. Il prétend avoir saigné du nez, mais en y regardant de plus près, des taches de sang jonchent également la porte donnant sur la chambre des enfants. Un sentiment de panique l'envahit. Elle se précipite vers le berceau du cadet, retire un linge en sang puis un drap dans le même état, révélant alors son fils pâle et ensanglanté. Elle le prend dans ses bras et voit sa tête basculer vers l'arrière, il est mort.

La dépouille de son fils dans les bras, elle court chez madame Legrand qui est alors en compagnie. "Ah ! Mon pauvre enfant ! Il est tué ! Il a tué mon enfant !". Après un instant de sidération, on lui fait remarquer qu'elle a oublié son fils aîné dans la maison, mais tétanisée, elle n'ose pas y retourner. Personne ne se porte volontaire, il faut dire que l'assistance est féminine.

Quelques minutes plus tard, partie chercher du renfort, Madame Mouflard croise monsieur Hincelin, adjoint au maire. Il prend le pouls de l'enfant et se rend chez les Mouflard afin de tirer l'affaire au clair.

Alerté par les hurlements, un dénommé Lemoine arrive entre-temps chez les Mouflard où il voit Victor Mouflard passant le balai. Il lui dit avoir entendu sa femme crier, l'intéressé lui assure que ce n'est rien: "Elle dit que j'ai tué son enfant, mais ce n'est pas vrai, je le promenais, il s'est échappé de mes mains et il est tombé à terre...". Mais Hincelin fait son entrée et confirme que l'enfant est bel et bien mort. Victor Mouflard se rappelle alors soudainement que sa chute fut mauvaise et sur la tête, il est donc possible en effet qu'il soit finalement mort dans les bras de sa mère. Incrédule, Hincelin demande des détails. S'en suit une joute verbale sans fin durant laquelle Victor Mouflard modifie son histoire au gré des incohérences relevées par Hincelin.

Une enquête est ouverte.

Interrogé à de multiples reprises durant près de trois semaines, Victor Mouflard refait sans cesse l'histoire, se rappelant toujours in extremis d'un détail confortant la thèse de l'accident. Les gendarmes et le juge d'instruction fulminent. À chaque fois qu'ils pensent tenir Victor Mouflard, il trouve une échappatoire. Heureusement pour l'enquête, l'arrivée en avril du rapport d'autopsie met un terme au status quo.

L'enfant est mort d'une pression violente qui a fracturé cinq côtes et provoqué des lésions pulmonaires, il a donc été tué par quelqu'un qui s'est vraisemblablement agenouillé sur lui et l'a pour ainsi dire écrasé ; la présence de contusions au niveau des lèvres suggère en parallèle un étouffement. Le meurtre est avéré, Victor Mouflard était seul avec l'enfant, la conclusion semble évidente.

Le 12 avril, Victor Mouflard tente une ultime fois de jouer au plus malin. Confronté aux conclusions du rapport, il se rappelle en effet s'être agenouillé sur le dos de l'enfant par accident lorsqu'il s'est baissé pour le relever après sa chute, chute à plat ventre, ce qui explique les contusions au visage. Il lui est rétorqué que la pression fut exercée au niveau thoracique. Victor Mouflard se souvient alors d'une roche sur laquelle l'enfant est tombé. Mais les gendarmes ont inspecté l'endroit où il serait soi-disant tombé, il est parfaitement plat. Cette fois acculé, Victor Mouflard reste sans voix.

Procès de Victor Mouflard

victor-mouflard-proces.jpeg

Le procès s'ouvre le 14 juin 1851.

En dépit de l'horreur du crime, Victor Mouflard fait bonne impression, répondant aimablement à ses contradicteurs, allant même jusqu'à en complimenter certains ; une stratégie grossière qui fonctionne néanmoins en partie, les humiliations infligées par sa femme lui assurant malgré tout une forme d'empathie.

Finalement reconnu coupable, Victor Mouflard se voit accorder des circonstances atténuantes. Il n'échappe pas seulement à la guillotine, il écope d'une peine incroyablement clémente de dix ans de travaux forcés.

Après trois ans de prison, il embarque le 19 juillet 1854 pour Cayenne où il débarque le 31 août. Il ne survivra pas longtemps en Guyane, décédant peu avant le terme de sa première année, le 25 juillet 1855.

Version vidéo

Sources de l'article

Boutique en ligne

Publié par sur Caedes le 31-07-2023

Commentaires des internautes

Cliquer ici pour publier un commentaire (aucune inscription requise)