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Michel Durand, 1851 - Un triangle amoureux

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Michel Durand

En résumé
  • Année: 1851
  • Commune: Limoges
  • Département: Haute-Vienne
  • Arme: Arme blanche
  • Sexe: Homme

Nous sommes en 1844 à Limoges au mariage de Michel Durand et Thérèse Guérin, deux tourtereaux respectivement âgés de trente sept et seize ans devant leur rencontre à l'établissement scolaire où ils travaillent, elle comme surveillante, lui comme maître.

Le mariage célébré, Thérèse Durand cesse de travailler au profit de son ménage. Commence alors une vie à deux sur une paye d'enseignant, une vie presque monacale. Elle ne s'en plaint pas mais le labeur et les sacrifices la rendent malheureuse. Espérant lui offrir le confort auquel elle aspire, Michel Durand improvise dans leur demeure une salle de cours et devient maître d'écriture à son compte, activité qu'il exerce en plus de ses cours à l'école.

Sept ans de mariage et deux enfants plus tard, l'acharnement de Michel Durand a en partie payé. Le couple habite un duplex de la rue des Grandes Pousses, emploie une bonne et s'autorise de temps à autres quelques loisirs, un embourgeoisement relatif parfois financé avec peine mais dont Thérèse Durand semble se satisfaire. Leur relation n'est toutefois plus ce qu'elle était, Michel Durand est désormais si jaloux qu'il en est devenu irascible. Si leur différence d'âge n'y est sans doute pas pour rien, il est maintenant à la veille de ses quarante-cinq ans et se voit péricliter alors que sa femme est à son zénith, le véritable moteur de cette jalousie est à l'évidence le comportement suspect de Thérèse Durand. Encore récemment, inquiet de ne pas la voir revenir des heures après son départ, il est allé la retrouver aux bains du Pont Neuf où elle était censée se rendre mais a découvert sur place qu'elle ne s'y était jamais présentée.

Et en ce matin du 30 mai 1851, Michel Durand reçoit le coup de grâce alors qu'il rend visite à son ami Léon Saquet.

Durant leur conversation, Léon Saquet lui révèle l'existence d'un amant, un peintre en porcelaine de vingt-trois ans se nommant Guillaume Ferrand. Michel Durand voit très bien de qui il s'agit, il lui donne des cours d'écriture. Thérèse Durand le reçoit tous les jours à midi et demi, profitant que son mari soit alors à l'école, il lui arrive aussi d'aller le voir, auquel cas une voisine de Guillaume Ferrand joue les entremetteuses en prêtant son appartement. Lorsqu'ils ne sont pas ensemble, elle trompe son ennui en lui écrivant des lettres enflammées qu'elle fait livrer par la bonne et avec lesquelles il parade. Maintenant qu'il sait tout, Michel Durand doit agir avec prudence ; craignant qu'il découvre la vérité et veuille laver son honneur, Guillaume Ferrand lui destine un poignard dont il ne se sépare jamais.

Léon Saquet lui assure que tout ceci est authentique, devant sa connaissance de l'intrigue aux indiscrétions de Pacifique Villemoneix, la voisine et entremetteuse qui se trouve être une amie de madame Saquet.

Michel Durand est sous le choc. Non seulement sa femme a un amant, mais en plus, l'amant est un élève qui a l'audace de se présenter à lui pour ses leçons après avoir reçu les faveurs de sa femme, qui plus est dans le lit conjugal. Et l'affaire est de notoriété publique, même la bonne est au courant, pire encore, elle est complice. Au-delà même de l'infidélité, il n'en revient pas d'être à ce point déshonoré. Dévasté, il rentre chez lui.

Il est bientôt midi. Au lieu de se rendre à l'école comme à l'accoutumée, Michel Durand s'assoit et attend. Vers midi et demi, comme prévu, Guillaume Ferrand se présente. Accueilli par son professeur, il prétend avoir besoin de ses lumières. Michel Durand accepte de l'aider, mais plus tard, la leçon de ce soir sera l'occasion d'en rediscuter. Guillaume Ferrand s'en va après ce bref échange, persuadé d'avoir fait illusion.

La porte fermée, Michel Durand annonce à sa femme qu'il sait pour eux deux. D'abord offusquée, Thérèse Durand reconnaît ensuite lui avoir écrit, seulement écrit, mais il n'est pas dupe ; elle se jette finalement à ses pieds, dit aux enfants d'embrasser leur père et implore son pardon. Mais avant toute chose, Michel Durand veut laver son honneur. Lorsque Guillaume Ferrand se présentera à dix-neuf heures, il lui apprendra qu'il a découvert le pot aux roses, seront ensuite exigées la fin de la relation et la restitution des lettres, faute de quoi il lui en cuira. Il part chercher son sabre et le dissimule dans un placard tandis qu'elle le supplie de lui épargner cette scène, mais il est hors de question qu'elle se dérobe. Ils ont maintenant six heures à tuer, six heures durant lesquelles Thérèse Durand compte bien saisir la moindre occasion de faire prévenir son amant, pendant que Michel Durand ne va pas la lâcher des yeux. L'attente promet d'être interminable.

Crime de Michel Durand

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Guillaume Ferrand se présente vers dix-neuf heures. Il entre dans l'appartement, s'installe à son pupitre, sort sa plume et commence à régler son papier, quand soudain, Michel Durand brandit son sabre: "Je sais que vous avez des lettres et un poignard contre moi, posez-les ou vous êtes mort ! Je sais tout !". Guillaume Ferrand panique: "Mais vous êtes fou !". Michel Durand lui enfonce alors son sabre dans le ventre et le retire d'un coup sec.

Gravement blessé mais encore alerte, Guillaume Ferrand tente de s'enfuir tout en hurlant "Au secours ! À l'assassin !", mais Michel Durand le poursuit et le transperce encore une douzaine de fois. Il s'écroule finalement près de la porte d'entrée et meurt.

Une petite voix tremblante se fait alors entendre: "Voulez-vous me laisser partir, je ne vous ai rien fait ?". Il s'agit de Frédéric Dutreix, douze ans, qui était là lui aussi pour sa leçon. Michel Durand le regarde et lui répond calmement: "Vous pouvez partir mon petit ami, je ne vous retiens pas.". Il jette ensuite un dernier regard sur le cadavre de Guillaume Ferrand, enfile un chapeau et cache son sabre sous son paletot. Il ouvre la porte et déclare: "Maintenant que justice est faite, je m'en vais.".

Il s'en va mais ne s'enfuit pas, sa destination étant le bureau du procureur afin de confesser son crime. Incarcéré après sa déposition, il est désormais dans l'attente de son procès.

Procès de Michel Durand

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Le procès s'ouvre le 13 août 1851.

À Limoges, l'affaire est sur toutes les lèvres, tant et si bien qu'une foule immense s'est rassemblée au tribunal pour suivre les débats. Défendu par le très célèbre Théodore Bac, Michel Durand semble en terrain conquis.

Lorsqu'il est entendu, Michel Durand affirme qu'il n'avait pas initialement pour projet d'assassiner Guillaume Ferrand. Le sabre n'était qu'une précaution, Pacifique Villemoneix ayant averti qu'il serait armé d'un poignard. Mais une fois son sabre brandi, il a perdu la tête et assouvi sa vengeance. Ironie du sort, l'enquête a révélé que Guillaume Ferrand n'était pas armé, cette histoire de poignard n'était qu'une fantaisie de Pacifique Villemoneix.

Différents témoins sont ensuite appelés à la barre.

Le jeune Frédéric Dutreix décrit le déroulement du meurtre.

Léon Saquet relate sa discussion du 30 mai avec Michel Durand. Il précise avoir beaucoup hésité à informer l'accusé de l'existence d'un amant, craignant justement une réaction violente. Il ne s'est résolu à le faire que pour devancer Pacifique Villemoneix qui préparait une lettre anonyme, préférant qu'une telle révélation vienne d'un ami.

Julien Boutet, élève de Michel Durand et collègue de Guillaume Ferrand à l'atelier de porcelaine, a été témoin de la naissance de l'adultère. Un jour, il s'est présenté chez Guillaume Ferrand pour lui proposer de se promener en ville, alors que les deux hommes descendaient l'escalier de l'immeuble, Guillaume Ferrand fut appelé par Pacifique Villemoneix qui le fit entrer chez elle, où l'attendait Thérèse Durand. Julien Boutet partit finalement se promener seul, après avoir vu Pacifique Villemoneix quitter son appartement, laissant les deux jeunes gens livrés à eux-mêmes. Le lendemain, à l'atelier, Guillaume Ferrand lui confia la naissance de l'idylle. Julien Boutet l'implorait dès lors d'y mettre un terme, persuadé qu'elle serait tôt ou tard démasquée par Michel Durand. Afin de lui ouvrir les yeux sur le danger qui le menaçait, il demanda un soir au professeur lors d'une leçon d'écriture où ils étaient tous deux présents comment réagir face à l'infidélité d'une femme, la réponse fut sans équivoque: "Si quelque chenapan s'introduisait dans ma maison, je le frapperais d'un coup de poignard !". Mais Guillaume Ferrand n'en fit pas cas, lui disant sur le chemin du retour "Ah bah... Il en ferait moins qu'il ne dit !".

Lorsque Pacifique Villemoneix est appelée à la barre, l'hostilité de l'auditoire est palpable, et l'air antipathique de la vieille femme n'arrange rien. Après une litanie de faits insignifiants, elle finit par reconnaître du bout des lèvres qu'elle savait pour l'adultère mais nie avec aplomb avoir joué le moindre rôle.

Particulièrement en verve, Théodore Bac déclame ensuite un plaidoyer vibrant. Il y décrit un mari brisé par l'infidélité notoire de sa femme, la lettre écrite de la main de Thérèse Durand retrouvée sur Guillaume Ferrand ne laissant aucune place au doute. Une lettre parmi tant d'autres de surcroît, lesquelles ont été remises à la police par le père de Guillaume Ferrand. Comment en vouloir à Michel Durand, qui s'est tant consacré au bonheur de sa femme, de s'être vengé après pareil outrage ? L'assemblée est captivée, Michel Durand est très ému. Il ne reste désormais qu'à attendre la décision du jury.

Le 14 août 1851, accusé d'homicide, Michel Durand est innocenté par le jury qui le reconnaît seulement coupable de coups et blessures, avec circonstances atténuantes. En conséquence, le président du tribunal le condamne à deux années d'emprisonnement.

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Publié par sur Caedes le 31-08-2023

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