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Marie-Madeleine Houy, 1851 - Infanticide et mie de pain

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Marie-Madeleine Houy

En résumé
  • Année: 1851
  • Commune: Chapelle-Saint-Denis
  • Département: Paris (anciennement Seine)
  • Arme: Torture
  • Sexe: Femme

Nous sommes en 1851 à La Chapelle-Saint-Denis, commune de 18 000 habitants environ aujourd'hui disparue de l'ancien département de la Seine. La Chapelle-Saint-Denis est l'une de ces communes de la banlieue parisienne où s'entassent les provinciaux venus travailler à Paris sans avoir les moyens d'y vivre. Marie-Madeleine Houy est de ceux-là.

Six ans plus tôt, en 1845, alors âgée de trente-cinq ans environ, Marie-Madeleine Houy épouse au Havre le sieur Pichon, serrurier de son état. Il a déjà des enfants d'un précédent lit, elle aussi, Anselme né en 1839 et Augustine née en 1841. Augustine est mal-aimée, sa mère ne s'en occupe d'ailleurs même pas, l'ayant placée, ou plutôt abandonnée, rapidement après sa naissance chez madame Lemoine, une nourrice de Graville. Mais son mariage avec le sieur Pichon change la donne. Désormais âgée de quatre ans, Augustine est reprise à madame Lemoine. Elle est alors une fillette enjouée et en pleine forme. Quatre mois plus tard, elle fait peine à voir ; amorphe et amaigrie, la terreur et la souffrance se lisent sur son petit visage. Très attachée à l'enfant, madame Lemoine en a le coeur brisé. Déterminée à la sauver d'une mort probable, elle se rend chez Marie-Madeleine Houy et lui offre de la reprendre gratuitement. L'argument financier fait mouche, Augustine lui est prestement rendue.

Une fois de retour chez elle, madame Lemoine déshabille Augustine et constate les dégâts. Elle est dangereusement frêle, couverte d'ecchymoses et l'un de ses poignets est fracturé. Un sillon noirâtre fait aussi le tour de son corps, à l'évidence la marque d'une corde bougrement serrée et rarement détachée.

Commence alors une longue convalescence. Après quatre mois d'enfer à être attachée, rouée de coups et affamée, Augustine recouvre peu à peu la santé. Elle reprend du poids, son poignet se ressoude et ses meurtrissures disparaissent ; il faudra tout de même dix-huit mois pour la guérir complètement, notamment pour libérer sa chair de la marque laissée par la corde. Elle redevient peu à peu une enfant pleine de vie et coule des jours heureux avec madame Lemoine, sa mère de coeur. Elle l'appelle d'ailleurs "maman".

Mais madame Lemoine n'est plus toute jeune, ayant tout de même soixante-six ans en 1845 lorsqu'elle reprend Augustine. Chaque année supplémentaire lui coûte, elle se déplace de plus en plus laborieusement et surtout sa vue se dégrade. En 1850, à l'approche des soixante-et-onze ans, devenue aveugle, elle n'est plus en état de s'occuper d'une jeune fille de neuf ans désormais, ni d'elle-même d'ailleurs. La mort dans l'âme, elle se rend à l'évidence, il faut rendre Augustine à sa mère...

Crime de Marie-Madeleine Houy

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Madame Lemoine quitte Graville en 1850 et s'installe chez des parents à Paris où l'attend une retraite paisible. Elle se rapproche à cette occasion de Marie-Madeleine Houy, elle et son mari vivant désormais à la Chapelle-Saint-Denis. Augustine est rendue à sa mère au mois de mai, comme la première fois en pleine forme. Et comme la première fois, son état va très vite se dégrader.

Marie-Madeleine Houy passe son temps à l'agonir d'injures et à la martyriser. Augustine maigrit à vue d'oeil et tout son corps se couvre de contusions et de plaies, même son visage. Aux coups de poing et coups de pied quotidiens, s'ajoutent des séances de torture, avec un bâton les bons jours, des pincettes ou un fer à repasser les mauvais ; lorsqu'elle est brûlée avec le fer à repasser, ses plaies sont ensuite frottées avec une brosse. Sa chambre est une espèce de caveau au fond du jardin avec pour literie un semblant de matelas infect et un sac de charbon censé faire office de couverture. Lorsqu'elle est admise dans la maison, elle y est souvent attachée, parfois durant des heures, se voyant ainsi obligée de faire ses besoins au sol ; sa mère se délecte alors de la punir en lui faisant manger ses excréments. Le reste de sa nourriture n'est guère mieux, pour l'essentiel du pain moisi, évidemment jamais mangé à table avec le reste de la famille.

Les voisins de Marie-Madeleine Houy et ses camarades du lavoir où elle travaille comme blanchisseuse s'inquiètent pour Augustine. Quiconque essaie de la raisonner entend parler des "quatre planches au cul" dont elle rêve pour sa fille. Et justement, plus le temps passe et plus Augustine se fait évanescente. À peine un an après son arrivée chez sa mère, chacun se demande si elle est encore vivante...

Le 22 mai 1851, les blanchisseuses du lavoir décident d'intervenir, madame Daine en tête. Lorsque Marie-Madeleine Houy se présente, elles exigent de voir Augustine séance tenante. Elle refuse, six d'entre-elles lui attrapent alors le bras et la traînent jusqu'à son domicile.

Augustine n'est plus dans son caveau, elle est désormais cachée dans les combles. Les six femmes doivent grimper une échelle de meunier pour la voir.

Une fois devant l'enfant, elles sont horrifiées, Augustine est allongée recouverte d'un linge. Elles arrivent trop tard, elle est morte. Mais en y regardant de plus près, elle respire ! Le linge est retiré, commence alors un spectacle abominable. Le visage de la fillette est recouvert d'ecchymoses et de plaies suppurantes, ses joues sont déchirées, ses oreilles ont été arrachées, même ses paupières sont écorchées. Et il en va de même pour le reste de son corps. Elle est d'une maigreur terrifiante, n'a plus de peau ici et là, l'une de ses jambes est même trouée à plusieurs endroits et les trous ont été remplis avec de la mie de pain, un nerf semble également sortir du genou considérablement enflé de cette jambe. Augustine n'arrive même plus à bouger.

Interpellée, Marie-Madeleine Houy l'affirme, Augustine s'est simplement brûlée. Elle regarde ensuite sa fille et lui lance "N'est-ce pas, que tu t'es brûlée ?". Augustine murmure péniblement "Oui, maman". "Vous n'êtes pas une mère" réplique alors l'une des femmes, "Et je vais aller vous dénoncer !".

Elle s'en va alors prévenir les autorités avec deux autres femmes du groupe, l'autre moitié reste pour veiller sur Augustine. Sidérés par le récit, les gendarmes se rendent immédiatement sur place et font prévenir le maire, lequel se joint à eux avec un médecin. Une fois devant Augustine, le docteur l'examine et essaie de la faire parler, après un long moment il obtient ces quelques mots: "J'ai faim... J'ai froid...".

Sa mère est placée en état d'arrestation. À la Chapelle-Saint-Denis, la nouvelle se répand comme une traînée de poudre et le calvaire subit par Augustine déchaîne les passions. Les gens se rassemblent très vite par centaines et entendent massacrer Marie-Madeleine Houy. Les gendarmes se voient obligés d'assurer sa protection, l'escortant armes aux poings jusqu'à leur voiture, ne s'arrêtant ensuite sous aucun prétexte, sous peine d'être pris d'assaut.

Pendant ce temps, Augustine est transportée à l'hôpital Saint-Louis, où elle décédera le lendemain.

Procès de Marie-Madeleine Houy

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Le procès s'ouvre le 15 novembre 1851.

L'auditoire voit arriver Marie-Madeleine Houy avec une pointe d'étonnement. Il s'agit d'une petite brune de quarante ans environ, plutôt froide il est vrai, mais l'air inoffensive. Les témoignages ne tardent pas à démontrer le contraire, l'accusée soutenant quant à elle mordicus avoir seulement puni la désobéissance et surtout la gourmandise de sa fille. Elle y tient étrangement, le répétant tel un mantra, Augustine était gourmande et ce défaut devait être corrigé ; elle parvient même à faire sortir le président de ses gonds à force d'insister: "Vous ne la nourrissiez que de croûtes de pain !"

Le témoignage du docteur Tardieu, le médecin ayant réalisé l'autopsie, est particulièrement difficile à entendre. Sa conclusion est bien sûr sans appel:

La mort de la jeune fille Houy est le résultat des mauvais traitements et des sévices sans nombre qu'elle a eu à subir, des privations que depuis longtemps déjà on lui avait imposées.

Le témoignage de Madame Daine est poignant. Semblant malade, elle se fait aider d'une jeune personne et doit s'asseoir sur un oreiller. On imagine la détermination qu'il lui fallut pour grimper l'échelle de meunier menant à Augustine. Après avoir livré le récit du sauvetage d'Augustine, elle confie avoir été traumatisée, ne parvenant même plus les jours suivants à trouver le sommeil, hantée par le visage agonisant de l'enfant.

Madame Lemoine, la nourrice d'Augustine, est présente au procès. Le président l'appelle à témoigner et demande "qu'on la conduise au siège des témoins avec les égards que commande sa position". Une fois installée, elle décrit son quotidien avec Augustine, se souvenant parfaitement d'une jeune fille adorable dont les bêtises étaient rares, elle n'avait aucun problème de désobéissance et encore moins de gourmandise. Madame Lemoine est plusieurs fois bouleversée durant son témoignage, particulièrement lorsqu'elle est interrogée sur ce fameux jour de 1850 où sa cécité l'a contrainte à rendre Augustine à sa mère et "des larmes abondantes" versées à cette occasion. Le président se sent obligé de la rassurer:

Ce n'est pas un reproche que nous vous adressons, nous sommes persuadés que sans ce malheur qui vous est arrivé, vous ne vous en seriez pas séparée.

Madame Lemoine réplique avec passion:

Oh jamais ! Quand je n'aurais eu qu'un morceau de pain, je l'aurais partagé avec cette pauvre enfant.

Après divers autres témoignages de coups et d'injures, les jurés s'isolent pour délibérer. Trois quarts d'heure plus tard, ils reviennent avec leur verdict. Marie-Madeleine Houy est reconnue coupable de l'assassinat de sa fille, avec circonstances aggravantes. Elle s'effondre et implore l'indulgence de la cour, mais n'est pas entendue, la peine de mort est prononcée.

Le procès est terminé, le tribunal se vide, chacun se demandant comment Marie-Madeleine Houy a pu faire vivre un tel enfer à une fillette de dix ans, la sienne qui plus est.

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Publié par sur Caedes le 28-01-2024

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