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Marie Jeanjean, 1851 - Coupablecoupable

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Marie Jeanjean

En résumé
  • Année: 1851
  • Commune: Saint-Iyert
  • Département: Tarn
  • Arme: À mains nues
  • Sexe: Femme

Nous sommes le 31 mars 1851 dans le Tarn. Le cadavre d'une femme vient d'être repêché dans les environs d'Ambialet, une inconnue d'âge moyen récemment décédée.

Cette découverte macabre ne tarde pas à attirer les badauds. Parmi eux, une mendiante pense la connaître. Interrogée, elle donne une description étonnamment précise de la femme repêchée, allant jusqu'à décrire sa tenue vestimentaire, mentionnant même ces deux dents manquantes au niveau de la mâchoire supérieure. Amenée jusqu'au cadavre, elle confirme. Il s'agit, à l'en croire, d'une certaine Marie Cirgue, comme elle du village de Brase, mariée de la main gauche avec le sieur Cointrot.

Prestement interrogé, Cointrot dément fermement, jurant avec aplomb ne même pas connaître de Marie Cirgue. Suspect, ce démenti lui vaut d'être interpellé. Mais rapidement le doute s'installe. Les policiers ont beau retourner Brase dans tous les sens, ils ne trouvent aucune trace d'une Marie Cirgue. Pour couronner le tout, la virginité de la défunte est constatée durant l'autopsie, faisant s'effondrer pour de bon l'hypothèse de cette vie conjugale illégitime.

À l'évidence victime d'un mauvais coup, Cointrot est relâché.

Après un tel camouflet, les enquêteurs adoreraient faire goûter à la mendiante la volupté de quelques nuits en cellule, si seulement elle n'avait pas disparu. Et sans surprise, elle aussi est inconnue à Brase.

En attendant de résoudre le mystère autour de cette mendiante, le cadavre est finalement identifié durant les jours suivants, cette fois réellement. Il s'agit de Marie-Anne Constant, une femme de 40 ans du village de Mazet ayant disparu le 25 mars.

En décembre dernier, Marie-Anne Constant s'installe à Mazet chez les Mialles ; un mariage avec l'un d'eux serait en préparation. Elle vivait jusque-là chez son frère Sylvain, au demeurant très contrarié par cette installation. Si emménager ainsi avant le mariage est pour le moins incongru, même en tout bien tout honneur, sa colère est plutôt nourrie par des raisons bassement pécuniaires: n'assurant plus à sa sœur le gîte et le couvert, un accord passé avec elle l'oblige à lui verser à vie une pension de trois-cents francs. Cet arrangement a pour origine la succession familiale, sa soeur a accepté chez le notaire de lui céder sa part de l'héritage moyennant cet accord.

Seulement voilà, Sylvain Constant pensait avoir bien manoeuvré en mettant ainsi la main sur l'héritage, sa soeur n'étant toujours pas mariée à un âge avancé, elle devait passer le reste de sa vie chez lui, sans jamais demander cette pension mirobolante. Jusqu'à ce déménagement inattendu révélant une réalité fâcheuse: il s'est fait rouler dans la farine.

Pour autant, il n'a pas dit son dernier mot. Il lui reste un moyen d'être libéré de ce fardeau: la mort de sa sœur...

Crime de Marie Jeanjean

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Profitant d'un passage à Mazet pour lui remettre sa pension, Sylvain Constant se met en quête d'un exécutant. Il ne tarde pas à dénicher parmi les habitants de Mazet la personne idoine, une femme dont la réputation est ô combien détestable: Marie Jeanjean. Il lui rend donc une petite visite afin de lui offrir les trois-cents francs destinés à sa sœur pour prix de son meurtre. Elle commence par refuser, n'étant tout même pas une meurtrière, mais ce sursaut d'éthique ne tient pas longtemps face à l'attrait d'une telle somme.

Marie Jeanjean se rapproche alors de Marie-Anne Constant, avec, il faut bien l'admettre, une efficacité redoutable. En un rien de temps, les deux femmes deviennent inséparables. Elles discutent longuement en tête-à-tête, s'organisent des sorties et sont même vues ensemble à la messe.

La confiance de Marie-Anne Constant ainsi gagnée, Marie Jeanjean guette désormais l'occasion de passer à l'étape finale.

Cette occasion se présente le 25 mars. Discutant avec Marie Jeanjean chez les Mialles, Marie-Anne Constant lui fait part de son projet d'aller à Saint-Iyert dans la journée afin d'assister le jour suivant à des festivités locales. Marie Jeanjean offre aussitôt de l'accompagner.

Plus tard dans la journée, les deux femmes partent donc pour Saint-Iyert où elles s'installent chez le sieur Sermet, beau-frère de Marie Jeanjean, accessoirement une crapule dont la maison est connue pour être mal famée. Elles y restent un long moment, faisant même sur place un repas, puis, le soir venu, vont à l'Église. Après l'office, sous l'impulsion de Marie Jeanjean, elles se promènent sur les rives du Tarn en direction du port de la Figarelle.

Vers dix-neuf heures trente, Sermet s'en va pour la soirée. Il ne part pas l'esprit tranquille, il fait déjà nuit noire et les deux femmes ne sont toujours pas rentrées. À son retour, vers vingt-deux heures, il trouve Marie Jeanjean assise près du feu, seule, faisant sécher ses bas ruisselants. Interloqué, il lui demande où se trouve son amie et pourquoi ses bas ont pris l'eau. Son amie est partie, quant à ses bas, elle les a lavés à la fontaine. Elle n'en dira pas davantage et ne quittera pas sa chaise de la nuit.

Deux semaines plus tard, le 9 avril, un homme demande à parler aux enquêteurs. Il a trouvé un chapeau de femme et un sabot sur les rives du Tarn le 26 mars, près du port de la Figarelle. Si cette découverte lui semblait a priori anodine, lorsqu'il a eu vent de leur enquête, il a pensé sage de venir leur en parler. Grand bien lui en a pris, après vérification ces vêtures appartenaient en effet à Marie-Anne Constant.

Le 11 avril, ayant appris le déroulement suspect de la soirée du 25 mars, a fortiori depuis la découverte du chapeau et du sabot, les enquêteurs perquisitionnent le domicile de Marie Jeanjean. Surprise en train de fouiller dans une boîte durant la perquisition, Marie Jeanjean se voit contrainte de remettre aux officiers l'objet sorti de la boite, une feuille de papier. Plus exactement, une obligation de trois-cents francs signée de la main de Sylvain Constant. À l'évidence le mobile. Placée en état d'arrestation, Marie Jeanjean charge aussitôt Sylvain Constant et sa femme, jurant avoir été seulement témoin du meurtre. Mais personne n'est dupe quant aux rôles de chacun, les époux Constant ont commandité, Marie Jeanjean a exécuté. Se sachant de toute façon démasquée, elle passera finalement aux aveux.

Procès de Marie Jeanjean

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Le procès s'ouvre le 18 novembre 1851.

Les époux Constant sont en cavale, Marie Jeanjean est donc seule sur le banc des accusés. Cette quadragénaire au teint pâle et aux grands yeux noirs, portant la tenue typique des paysannes de l'Aveyron, n'inspire rien de particulier à l'assistance. Maline, elle suit les débats avec beaucoup d'attention, prête à bondir sur la première opportunité de s'en sortir à moindre frais.

Les débats sont l'occasion de découvrir de nouveaux éléments.

Dans les jours suivants le crime, Sylvain Constant a été vu à de multiples occasions avec Marie Jeanjean. Il l'a pour ainsi dire harcelée, ayant réalisé une faille dans son plan: l'obligation de trois-cents francs signée de sa main prouverait son implication si les enquêteurs remontaient jusqu'à Marie Jeanjean. Il a donc usé de tous les stratagèmes pour la lui reprendre, jusqu'à l'intimidation. Mais Marie Jeanjean est une dur à cuire, il en faut davantage pour la filouter, comme pour l'intimider.

Une hypothèse est par ailleurs émise concernant la mendiante. En panique lorsque le corps a été repêché encore largement reconnaissable, Sylvain Constant aurait offert de l'argent à une mendiante de passage dans l'espoir de saboter l'identification, en lui donnant suffisamment d'informations pour être prise au sérieux. Il a d'ailleurs été entendu dans les jours suivants lors d'une foire proférant ces quelques mots: « Pourvu qu'on ne reconnaisse pas ma sœur dans la femme noyée, tout ira bien. ». La mendiante n'a quant à elle jamais été retrouvée, sans doute avait-elle pour instruction de reprendre la route aussitôt son travail accompli.

L'autopsie de Marie-Anne Constant éclaire finalement les circonstances de sa mort. Le front, le cuir chevelu et le cou étaient porteurs de profondes blessures ante-mortem. Selon toute vraisemblance, elle ne s'est donc pas noyée, elle a été battue à mort puis jetée dans l'eau.

Au terme des débats, une demi-heure suffit au jury pour rendre son verdict. Marie Jeanjean est déclarée coupable avec circonstances atténuantes. En conséquence, la cour la condamne aux travaux forcés à perpétuité.

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Publié par sur Caedes le 27-04-2024

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